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Bouche, 2020
Exposition monographique
Commissariart : Leila Couradin
Le Local, Trésor, Reims
FR
Pour le quatrième projet de son programme, le local invite l’artiste franco-canadienne Carla Adra (née en 1993) à présenter une toute nouvelle installation au Trésor, au pied de la cathédrale de Reims. Bouche est une exposition dans laquelle les visiteurs•euses découvrent un espace intime au coeur de la vie culturelle rémoise. Ville « refuge » qu’elle a quittée puis retrouvée, Reims a une importance primordiale pour Carla Adra qui y a mené ses premières recherches à l’ESAD de Reims, ses premières collaborations, ses premiers projets artistiques d’envergure (elle est Lauréate du Prix Prisme en 2017). Elle y est aujourd’hui invitée pour une exposition monographique très personnelle où elle se livre, ouvrant la porte – ou serait-ce la bouche – d’un espace hybride souterrain renversant.
Faisant de la notion d’identité un concept complexe et mouvant, Carla Adra se fantasme comme venant « d’ailleurs » et se rêve « autre ». L’installation vidéo Bureau des pleurs, présentée à la biennale de Lyon en 2019, relève notamment, usant d’une forme d’empathie totale, de tentatives toujours renouvelées de devenir « l’autre », de faire corps avec lui, de s’approprier son enveloppe et ses souvenirs les plus intimes. Mue par un désir tant charnel qu’intellectuel, Carla Adra déplace, contourne, affine ou enjambe la frontière quasi poreuse entre elle-même et celui ou celle qu’elle rencontre, produisant un vertige saisissant : et si la fusion devenait parfaite ? Comment faire alors la différence entre soi et l’autre ? Non sans érotisme, l’artiste pose dans son travail la question psychanalytique aussi inquiétante qu’excitante de la potentielle disparition d’un être dans l’autre.
Les lettres qu’elle écrit puis scelle dans le bois (Aire, 2017), adressées à l’autre autant qu’à elle-même, comme les témoignages anonymes qu’elle recueille auprès d’inconnu•e•s (Bureau des pleurs, 2019) dans la rue ou d’enfants lors de performances (Ailes, 2019), dévoilent son rapport à la forme la plus directe de récit, sans détours, sans artifices, sans témoins ni (auto)censure. Peut-on tout dire et à qui ? Comment dépasser les conventions liées aux interactions sociales établies dans l’espace public – théorisées par Erving Goffman notamment – en demandant à l’autre de se livrer, ici, maintenant, avec une sincérité radicale ?
Carla Adra prend la parole en premier, se fait Pythie contemporaine, oracle d’un temple fictif, donnant le la d’une conversation intime bien souvent libératrice. Si elle travaille seule, son introspection devient pourtant collective. A chaque nouvelle pièce tout est à réinventer ; c’est aussi vertigineux que grisant. L’attention particulière que Carla Adra porte au réel et à son potentiel narratif incommensurable relève de la performance que l’artiste qualifie de « pure ». Elle observe le monde en attendant qu’il se passe quelque chose, à l’affut, prête à en capturer l’essence poétique (Collection de vidéos, 2015-2020). Il s’agit pour elle d’extraire une situation chargée d’une invisible beauté, pour la transformer en performance, texte, vidéo ou image. Présentées ensemble dans l’installation in situ Bouche, les oeuvres de ce corpus sensible produisent à leur tour un méta-récit, qui pourrait être chuchoté, à la lumière d’une bougie, dans une grotte.
EN
For the fourth project in its program, the local invited the French-Canadian artist Carla Adra (born in 1993) to present a brand new installation at the Trésor, at the foot of the Reims Cathedral. Bouche is an exhibition in which visitors discover an intimate space at the heart of the cultural life of Reims.
Turning the notion of identity into a complex and moving concept, Carla Adra fantasizes as coming from "elsewhere" and dreams of herself as "other". The video installation Bureau des pleurs, presented at the Lyon Biennale in 2019, is a form of total empathy, of constantly renewed attempts to become "the other", to become one with him, to appropriate its envelope and its most intimate memories. Driven by a desire both carnal and intellectual, Carla Adra moves, circumvents, refines or straddles the almost porous boundary between herself and the person she meets, producing a striking vertigo: what if the fusion became perfect? How then can one tell the difference between oneself and the other? Not without eroticism, the artist poses in her work the psychoanalytical question, as disturbing as it is exciting, of the potential disappearance of a being in the other.
The letters she writes and then seals in wood (Aire, 2017), addressed to the other as much as to herself, as well as the anonymous testimonies she collects from strangers (Bureau des pleurs, 2019) in the street or from children during performances (Ailes, 2019), reveal her relationship to the most direct form of narrative, without detours, without artifice, without witnesses or (self)censorship. Can we tell everything and to whom? How can we go beyond the conventions related to social interactions established in the public space - theorized by Erving Goffman in particular - by asking the other to surrender, here, now, with radical sincerity?
Carla Adra speaks first, becoming contemporary Pythia, oracle of a fictitious temple, setting the tone for an intimate conversation that is often liberating. Although she works alone, her introspection nevertheless becomes collective. With each new piece, everything has to be reinvented; it is as dizzying as it is exhilarating. Carla Adra's particular attention to reality and its immeasurable narrative potential is the result of a performance that the artist describes as "pure". She observes the world while waiting for something to happen, on the lookout, ready to capture its poetic essence (Collection de vidéos, 2015-2020). For her, it is a matter of extracting a situation charged with invisible beauty, to transform it into a performance, text, video or image. Presented together in the in situ installation Bouche, the works from this sensitive corpus in turn produce a meta-narrative, which could be whispered, by candlelight, in a cave.